40 ans au Congo. 1980-2020 : Les années 80, années d'implantation.

De Séville à Kinshasa la distance est longue, mais je ne me suis jamais senti dépaysé dans mon nouveau pays.

Lors du voyage de Jean Paul II en Espagne, en 1982, je savais déjà que j'allais déménager au Zaïre. J'ai alors écrit avec joie et impatience à l'abbé Hervás, mais les semaines sont passées et sa réponse ne m'est pas parvenue ! Un ami m'a payé les soutanes blanches et à Tarfia, le centre de Séville dont j'étais l'aumônier, ils ont plaisanté de mille manières sur mon imminente aventure africaine.

Quand, finalement, une réponse de Kinshasa est arrivée, on m'avait déjà dit de faire escale à Rome. A cette époque-là, Air Zaïre fonctionnait toujours et il y avait un vol direct Rome-Kinshasa.

Le 28 décembre 1982, le Père - le Bienheureux Alvaro à l'époque - m'a reçu, dans la matinée.

- Vous devez être saints. Profitez de toutes les grâces que vous recevrez pour votre vie intérieure, m'a-t-il dit. Il y aura des difficultés comme toujours dans les débuts, mais il y aura aussi plus de grâce de Dieu.

Ensuite, il m'a donné deux fois la bénédiction, une pour le voyage de la vie, et l'autre en tant que prêtre. Puis il m'a demandé de le bénir, à mon tour. Au moment où j'allais prendre congé, il m'a dit :

- Hier, j'ai remarqué que tu portais une soutane trop épaisse… Écris-moi dès ton arrivée. Et n'oubliez pas de mêler la Vierge à tout. Voilà le secret !

Don Javier, qui était alors le Vicaire Général, a voulu, à son tour, me parler. Il m'a dit à peu près ceci : Soyez unis au Père et à notre Père. Réfléchis à ce que le Père t'a dit. Quoi qu'il se passe, écris-lui. Le pays peut apparaître difficile, comme c'est toujours le cas au début. Que vous vous aimiez beaucoup. L'Opus Dei, là-bas, c'est vous. Sois prêt à te sacrifier pour les autres.

Mon avion quittait Rome la nuit. Avant même de partir pour l'aéroport, le Père a souhaité être avec moi une nouvelle fois. C'était la troisième fois de la journée. - Si tu n'es pas saint, je te tue, m'a-t-il dit, en plaisantant.

Dans l'avion, je fus frappé par les sièges zébrés, d'allure "authentique", à la mode de l'époque. A l'aéroport de N'djili, en descendant la passerelle, je ne me souviens pas d'avoir ressenti le baume de chaleur et d'humidité, que d'autres disent avoir éprouvé comme première impression.

Le boulevard Lumumba était très beau, avec ses rangées d'arbres, qui n'existent plus depuis les derniers travaux d'élargissement de la chaussée.

Notre maison en 1983

Arrivé au numéro 4 de l'avenue l'Okapi, je fus accueilli par le Vicaire, l'abbé Hervás, visiblement heureux de mon arrivée. La demeure était absolument africaine et surprenante, avec la pelouse du jardin, ses nombreux arbres, les fleurs, le chant des oiseaux. Il n'y avait que peu de moustiques.

Le garage venait d'être transformé en salle d'étude pour le Club Niangara. Et sur l'herbe d'un terrain en pente, devant la maison, les garçons jouaient au foot pieds nus. En tout cas, c'est ce qu'ils faisaient pour tirer avec précision un penalty : ils ôtaient leurs baskets…

J'ai célébré ma première messe au Congo dans ce qui est aujourd'hui la salle de séjour du Centre Niangara, où était placé alors l'oratoire, avant les travaux d'élargissement de la maison. Une grande statue d'une Vierge noire, de l'artiste de Beya Cidi, ami à l'abbé Hervás, servait de retable.

L'oratoire provisoire en 1983

À cette époque, l'abbé Hervás parlait déjà de deux projets apostoliques : une clinique médicale et une résidence universitaire. Cependant, en ces années du début, tout le travail apostolique a tourné à peu près autour du Club Niangara et de quelques familles avec lesquelles nous nous étions liés. C'est ainsi que, pendant trois années de suite, durant les grandes vacances, nous sommes allés à Nairobi, avec des garçons du Club, pour apprendre l'anglais.

Mais assez rapidement, nous avons aussi commencé à nous rendre sur le campus de l'Université de Kinshasa. Le dimanche, des groupes d'étudiants venaient pour étudier Niangara et prendre part à quelques activités de formation, malgré la distance. Mais cela devra faire l'objet d'autres souvenirs…

Abbé Frédéric Quirós